Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/192

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que nous avons faite dans les pages précédentes. Mais, de ces remarques, nous n’avons tiré jusqu’ici qu’une conclusion négative : elles nous ont montré que la conception synthétiste des Mathématiques devait être abandonnée. Pour savoir si cette conception a été remplacée par une autre, si de nouvelles idées directrices, de nouveaux principes de recherches se sont développés dans l’esprit des savants, il nous faut examiner de plus près la physionomie actuelle de la science mathématique.


Ce qui nous frappe tout d’abord lorsque nous comparons la Mathématique de notre temps à celle des époques antérieures, c’est l’extraordinaire diversité et l’aspect imprévu des voies et des détours où cette science s’est engagée, c’est le désordre apparent dans lequel elle exécute ses marches et contre-marches, ce sont ses manœuvres et changements de front continuels. La belle unité qu’Euclide avait donnée à la géométrie et que Descartes voulait conférer à l’algèbre paraît irrémédiablement perdue. Et ce que l’observateur du mouvement scientifique est aujourd’hui le plus tenté d’admirer dans l’œuvre d’un mathématicien, ce n’est ni l’harmonie des résultats, ni la sûreté et la simplicité de la méthode, mais plutôt l’ingéniosité, la souplesse, que l’auteur doit à tout instant déployer pour atteindre ses fins.

Considérons par exemple la théorie des équations algébriques de degré n :

(1) anxn + an−1xn−1 + … + a1x + a0 = 0.

Le problème fondamental que posent ces équations est celui qui a trait à leur résolution. Or on sait qu’au début de la période moderne ce problème se trouvait engagé dans une impasse. Tous les efforts faits par les