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algébristes pour résoudre les équations de degré supérieur à 4 avaient piteusement échoué. Insuccès dont on pouvait s’étonner lorsqu’on croyait à la toute puissance de l’algèbre, mais que les modernes expliquent facilement. Qu’est-ce en effet que « résoudre » une équation au sens de l’algèbre élémentaire ? C’est, par définition, trouver l’expression algébrique des racines en fonction des coefficients de l’équation. Or est-il certain que l’on puisse effectuer sur les coefficients d’une équation quelconque une combinaison d’opérations algébriques qui fournisse les racines de l’équation[1] ? A priori il n’y a évidemment aucune raison pour qu’il en soit ainsi, et de ce qu’une chance heureuse se présente pour les équations des quatre premiers degrés, nous ne saurions conclure que cette chance nous favorisera jusqu’au bout. Et, de fait, la proposition suivante, pressentie par Gauss, a été démontrée en toute rigueur par le mathématicien norvégien Abel[2] : L’équation générale du cinquième degré

a5x5 + a4x4 + a3x3 + a2x2 + a1x + a0 = 0,

étant donnée, il n’est pas possible d’exprimer les racines de cette équation en fonction algébrique des coefficients.

Cette proposition d’Abel tranchait définitivement une question longtemps débattue. A-t-elle clos, cependant, comme on aurait pu s’y attendre, le chapitre de la science qui traite de la résolution des équations ? Ce fut le con-

  1. C’est ce que fait observer Leibniz à son ami Tschirnhaus, qui faisait des efforts désespérés pour transformer les équations générales du cinquième et du sixième degré en équations susceptibles d’être résolues.
  2. Détermination de l’impossibilité de la résolution algébrique des équations générales qui passent le quatrième degré (1826) [Œuv. d’Abel, éd. Sylow-Lie, t. I, p. 66].