Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne sont pas entièrement son fait ; il ne peut plus, comme l’algébriste du xviiie siècle, regarder la science comme étant le résultat pur et simple de ses constructions.

Cette dernière remarque met en lumière un caractère général, un trait nettement accusé de l’œuvre mathématique contemporaine, qui fixe bien la physionomie de cette œuvre par rapport aux spéculations des anciens géomètres et des algébristes.

Entre la conception grecque des Mathématiques et la conception contraire des algébristes synthétistes il y avait, remarquons-le, une ressemblance. L’une et l’autre supposent une sorte d’harmonie préétablie entre le but et la méthode de la science mathématique, entre les objets que poursuit cette science et les procédés qui lui permettent d’atteindre ces objets.

Ainsi, dans la géométrie euclidienne, — c’est un point sur lequel nous avons insisté[1] — les mêmes propriétés qui sont recherchées en tant que fins comme belles et harmonieuses, jouent également le rôle d’intermédiaires conduisant à des propriétés plus lointaines ; tout théorème est à la fois un objet et un instrument de recherche.

Pareillement, dans la science algébrique parfaite, les objets étudiés, étant uniquement des composés ou des assemblages d’éléments, ne contiennent ni plus ni moins que les éléments eux-mêmes, et la fin que l’on poursuit se trouve par conséquent déterminée par les moyens que l’on met en œuvre. — Ainsi, par exemple, après avoir étudié algébriquement les courbes du second degré (ou sections coniques), Descartes nous invite à nous élever progressivement à des courbes de plus en plus « composées » (de degré de plus en plus élevé). Le

  1. Voir plus haut, chapitre premier.