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d’une découverte nouvelle consistera à rechercher comment cette découverte a été amenée et quelle est sa signification par rapport aux recherches auxquelles elle fait suite.

Voici, par exemple, le théorème de Pythagore : dans un triangle rectangle le carré de l’hypothénuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Pour nous ce théorème est le point de départ d’une riche série d’autres propositions concernant les relations métriques auxquels satisfont les divers éléments rectilignes d’un triangle rectangle, et, plus généralement, d’un triangle quelconque. Mais est-ce bien par cet aspect que le théorème dit « de Pythagore » a primitivement frappé l’attention des géomètres ? On a tout lieu de croire que, loin d’apparaître comme une acquisition avantageuse, ce théorème a tout d’abord été la source de graves difficultés et qu’il a marqué l’échec plutôt que l’éclosion d’une théorie. C’est en effet toute la doctrine vers laquelle tendaient les premiers Pythagoriciens — doctrine supposant une harmonie préétablie entre les propriétés des nombres entiers et les propriétés des figures géométriques — que le nouveau théorème jetait à bas : car il montrait que la considération d’une figure aussi simple que l’est un triangle rectangle isocèle (dont le côté est pris pour unité) introduit immédiatement dans nos calculs une grandeur incommensurable, la racine carrée de deux[1].

  1. L’hypoténuse du triangle, dont la longueur est égale à √2.