Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/225

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de réalité on peut attribuer aux notions idéales. Il ne préjuge la solution de cette question ni dans un sens ni dans l’autre. Mais il constate que, de toutes les doctrines proposées pour rendre compte de la genèse de la science, seule la doctrine intuitioniste permet d’expliquer tous les caractères et toutes les circonstances de la découverte mathématique. Pour le mathématicien, tout se passe comme si la doctrine intuitioniste était véritable.


Aussi bien n’est-ce pas par hasard que les principaux champions de cette doctrine ont été, de tous temps, les plus mathématiciens d’entre les philosophes. Chez Platon comme chez Descartes, la théorie de l’intuition est, pour une large part, une transposition métaphysique des vues suggérées à ces penseurs par leurs études mathématiques.

Nous avons déjà indiqué plus haut le rôle que joue l’intuition dans la conception platonicienne de la science. Les Grecs, sans doute, se faisaient de la spéculation mathématique une idée assez différente de la nôtre, puisque selon eux la prise de contact entre l’esprit et le fait scientifique s’accomplirait spontanément, sans effort, ce qui suppose entre les deux une sorte d’harmonie préétablie. Cependant Platon, entraîné par l’analyse philosophique au-delà de l’horizon qui limitait la science de son temps, aperçoit clairement les conséquences qui résultent de la doctrine intuitioniste. Pour qui va au bout de cette doctrine, la Mathématique — la nôtre, du moins — perdra le caractère de science parfaite que les premiers géomètres et arithméticiens de la Grèce étaient sans doute portés à lui attribuer : en effet, le système des mathématiques est fondé, par hypothèse, sur la connaissance discursive, laquelle est inférieure à la noésis. Ainsi le Platonisme, après avoir été conduit à la considération des