Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/227

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synthétique, que nous trouvons la théorie de la connaissance qui paraît s’adapter le moins mal aux conceptions scientifiques modernes.

« J’entends par intuition[1] — dit Descartes — non la croyance au témoignage des sens ou les jugements trompeurs de l’imagination, mais la conception d’un esprit sain et attentif, si facile et si distincte qu’aucun doute ne reste sur ce que nous comprenons ; ou bien, ce qui est la même chose, la conception terme qui naît… des seules lumières de la raison ». Précisant sa pensée dans la 5e Méditation, Descartes esquisse une théorie analogue à celle de la réminiscence, et il ajoute[2] : « Je trouve en moi une infinité d’idées de certaines choses qui ne peuvent pas être estimées un pur néant, quoique peut-être elles n’aient aucune existence hors de ma pensée, et qui ne sont point feintes par moi, bien qu’il soit en ma liberté de les penser ou de ne les penser pas, mais qui ont leurs vraies et immuables natures. Comme, par exemple, lorsque j’imagine un triangle, encore qu’il n’y ait peut-être en aucun lieu du monde hors de ma pensée une telle figure et qu’il n’y en ait jamais eu, il ne laisse pas néanmoins d’y avoir une certaine nature, ou forme, ou essence déterminée de cette figure, laquelle est immuable et éternelle, que je n’ai point inventée et qui ne dépend en aucune façon de mon esprit ».

C’est presque dans les mêmes termes que s’exprime l’un des plus profonds analystes du xixe siècle, Charles Hermite, dans une note recueillie par G. Darboux[3] :

  1. Regulæ ad directionem ingenii, III, Œuvr., éd. Adam-Tannery, t. X, p. 368.
  2. Œuvr., t. IX, p. 51.
  3. G. Darboux, La Vie et l’Œuvre de Charles Hermite, apud Revue du mois, 10 janvier 1906, p. 46.