Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/24

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qu’une nouvelle manifestation des vertus des nombres et le moyen de simplifier certains calculs, Pascal tire immédiatement de la sienne des conséquences d’un tout autre genre ; il l’applique en effet au calcul des probabilités et l’utilise pour certaines sommations de lignes géométriques qui conduisent directement à la notion d’intégration. Ainsi Pascal subit l’entraînement général qui porte les savants de son époque, à élargir le champ d’application des mathématiques, à établir de nouveaux ponts entre les provinces de cette science et à accroître de cette manière la puissance du calcul.

Dans le même ordre d’idées, n’est-il pas très intéressant de voir les mathématiciens de l’Inde et les grands novateurs occidentaux, comme Nicolas Chuquet (xve siècle), n’éprouver aucun embarras, et continuer à aller de l’avant, lorsqu’ils rencontrent les racines négatives des équations, tandis que, le plus habile manieur d’équations du xvie siècle — François Viète — s’obstine à maintenir des cloisons étanches entre les équations qui ont des racines de signes différents sous prétexte qu’elles correspondent, dans son système, à des problèmes géométriques distincts ? N’est-ce pas un symptôme frappant du point de vue du xixe siècle que la marche de la pensée d’Évariste Galois, faisant de l’impossibilité où nous sommes de résoudre les équations de degré supérieur à quatre le point de départ d’une théorie positive, dans laquelle on aborde l’étude des équations par un biais tout nouveau, la théorie des groupes ?