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II. — La direction des recherches.

Puisque le mathématicien ne saurait demander à des sciences autres que la sienne l’indication de la voie dans laquelle il doit diriger ses recherches, puisqu’il en est réduit, pour conduire son travail, à sa propre inspiration, comment, dans la pratique, orientera-t-il son activité, de quelle manière pourra-t-il s’assurer qu’il fait une œuvre bonne et féconde ?

Il ne s’agit pas ici de savoir quelles sont, en mathématiques, les conditions du succès et comment on peut réaliser une œuvre de premier ordre. Autant vaudrait demander par quels moyens on devient un homme de génie. Mais, avant de prétendre au succès, il convient, semble-t-il, de déterminer exactement le but qu’on se propose. En quoi doit-on faire consister, à quels signes peut-on reconnaître, la valeur d’une découverte mathématique ? Nous avons vu plus haut combien il est difficile de trancher cette question a priori. Mais, du moins, les savants de profession sont-ils capables de la résoudre en fait ? Possèdent-ils des critères sûrs pour juger les travaux auxquels ils se consacrent ou ceux qu’accomplissent leurs confrères ?

Nous devons reconnaître que, si les analystes modernes appliquent en effet des critères lorsqu’ils ont à apprécier un problème ou une solution, il s’en faut que ces critères soient uniformes et invariables. Il existe, à notre époque, de nombreuses écoles mathématiques, et chacune d’elles a son idéal, son point de vue particulier. Cherchons donc à nous faire une idée sommaire des règles de conduite que les plus notables de ces écoles proposent à leurs adeptes.