Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thétique méritent d’occuper notre temps ; la palme reviendra aux savants qui sauront nous apporter les théories les plus jolies. Un problème élégant est toujours intéressant, un problème pénible est sans valeur.

Il faut reconnaître que cette manière de voir devient assez naturelle du moment que l’on ne croit plus au développement mécanique de l’Analyse. Aussi a-t-elle été d’un usage courant pendant la plus grande partie du xixe siècle ; c’est alors l’ère des « beaux théorèmes », l’époque où les mémoires portent pour titres « Sur une propriété remarquable, etc. », « Sur une famille intéressante de, etc. » ou d’autres formules de même espèce.

Dans la pratique, incontestablement, cette orientation de la science a été féconde ; car elle a permis d’introduire en Analyse un grand nombre d’idées nouvelles. Cependant elle nous oblige à poser une fois de plus une question qui nous a déjà arrêtés plus haut. Dans la bouche du mathématicien, quel est au juste le sens de ces mots « beau », « élégant », « remarquable » ?

On ne peut plus se contenter aujourd’hui de rechercher la beauté, dans les propriétés mathématiques, selon le point de vue des géomètres grecs. Nous avons vu, en effet, que les préoccupations esthétiques des Grecs les contraignaient à limiter à l’excès le champ de la science, et d’ailleurs, il est manifeste que les théories actuellement en honneur ne possèdent nullement ces qualités de simplicité et d’harmonie que prisait la science hellénique. Sans doute, les savants modernes font-ils souvent encore de ces rencontres imprévues — et en quelque sorte providentielles — qui excitent l’admiration. De même que les Pythagoriciens étudiaient avec prédilection les relations qui unissent les différentes sciences, de même on s’efforce aujourd’hui de découvrir