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réalité moins embarrassés pour trouver leur voie que ne porterait à le croire l’attitude de certains d’entre eux. Sans doute, les règles d’après lesquelles ils déterminent pratiquement leurs sujets d’études et leur emploi du temps sont quelquefois discutables. Mais, au fond d’eux-mêmes, il sont dirigés par des principes qu’ils ne formulent pas explicitement, par des considérations qui découlent directement des tendances générales de la science de leur temps. En d’autres termes la conception de l’analyse mathématique qui s’est peu à peu affermie dans l’esprit des savants modernes leur fournit — souvent en dépit de leurs préférences personnelles, en dépit des tendances et des opinions d’école — les règles de conduite dont ils ont besoin.

Il suffit, croyons-nous, pour obtenir ces règles, de rapprocher un certain nombre de remarques que nous avons déjà eu occasion d’énoncer dans le cours de notre étude.

Rappelons-nous, d’abord, qu’une œuvre mathématique est toujours le produit d’un double travail : travail d’analyse (au sens que nous avons donné plus haut à ce mot)[1] et travail de synthèse. Mais, tandis que l’analyse ne jouait autrefois qu’un rôle accessoire et préliminaire, elle a pris de nos jours une grande importance, en raison de la place qu’elle occupe dans les théories, et en raison des ressources d’invention qu’elle exige de la part de l’homme de science. Tel est le fait dont il faut partir et dont il convient d’accepter les conséquences, quitte à abandonner pour cela certaines idées ou certaines coutumes du passé.

Ainsi, — précisément à cause de la part prépondérante qu’avait naguère la synthèse dans l’élaboration des ma-

  1. Voir page 210.