Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/27

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leurs espoirs, sur leurs doutes, sur les règles de travail auxquelles ils s’assujettissent.

Il y a eu de tout temps, parmi les savants, des esprits généralisateurs qui se sont plu à regarder loin devant eux et à se représenter l’avenir de la science. Tel fut Descartes, tel fut Leibniz, tel Galois, et d’autres aussi qui, sans être des savants de premier plan, peuvent néanmoins refléter avec exactitude les vues et les aspirations de leur époque. Tous ces penseurs seront particulièrement intéressants à écouter. Il existe, par contre, une catégorie de savants qui semblent avoir une méfiance instinctive contre toute généralisation anticipée et qui trouvent plus d’intérêt à ciseler des œuvres limitées, mais parfaites, qu’à ébaucher de vastes théories et à construire des hypothèses. Tels ont été Fermat, Gauss, Hermite. Ceux-là sont peu communicatifs, mais il est quelquefois possible de les deviner en partie. Ainsi l’on peut être assuré que ces hommes, épris de perfection, choisissent avec un soin particulier les problèmes auxquels ils s’attachent. Peut-être donc qu’en examinant attentivement la liste de ces problèmes, en la comparant avec les objets d’étude d’autres mathématiciens du même temps, on pourra jusqu’à un certain point retrouver le fil de leur pensée. Ainsi, un point pris sur une courbe ne nous apprend rien sur cette courbe ; mais une pluralité de points situés sur un faisceau de courbes parallèles, permettront, s’ils ne sont pas tous exactement au même niveau, de déterminer approximativement la forme et l’orientation du faisceau.