Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/275

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gique entre en scène un peu plus tôt ou un peu plus tard. Quoi que l’on fasse, il y aura toujours, au point de départ du raisonnement, des faits posés a priori et des propositions non démontrées. Quel inconvénient peut-il donc y avoir à augmenter un peu, dans le résumé de la science qu’on offre à l’élève, la proportion des vérités qui ne sont pas objets de démonstration ?

Ainsi, ce sont des raisons fondamentales qui nous conduisent à modifier les principes par lesquelles était régi il y a une vingtaine d’années notre enseignement mathématique. Lorsque nous approfondissons ces raisons, nous sommes même portés à penser qu’en développant le côté pratique de l’enseignement on n’a accompli qu’une moitié de la réforme nécessaire. En effet, les motifs qui nous incitent à vouloir cultiver chez l’élève la faculté intuitive ne s’appliquent pas seulement à l’intuition sensible, mais également, et avec la même force, à l’intuition intellectuelle ; les considérations qui militent en faveur d’un enseignement objectif doivent nous faire rechercher, dans nos leçons, non seulement l’objectivité physique, mais aussi cette autre objectivité, que nous avons appelée intrinsèque, et qui caractérise les mathématiques modernes.

Quels devraient donc être exactement le programme et le point de vue de renseignement, si l’on voulait qu’il fût conforme aux principes qui nous paraissent diriger aujourd’hui la pensée mathématique ?

L’enseignement que nous avons en vue devra sans doute réserver une grande place à l’étude des méthodes de calcul et des formes de raisonnement. Ces méthodes, ces formes sont en effet l’instrument de la démonstration mathématique, et c’est à leurs perfectionnements successifs que sont dus, en fait, les principaux progrès réalisés par l’Analyse. Mais, en même temps que l’on