Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/277

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ne pourrait suffire pour choisir et pour exprimer les vérités non démontrées dont partent les théories mathématiques ; dès lors, un enseignement où la mémoire n’interviendrait à aucun degré est manifestement impossible.


Ces observations doivent être complétées par une remarque connexe qui touche à une question d’un caractère général, fréquemment posée dans les discussions philosophiques. Y a-t-il, dans les théories qui constituent les Mathématiques pures, divers ordres à considérer, et, en particulier, l’ordre de l’enseignement est-il distinct de l’ordre de la spéculation ou de la découverte  ?

C’est là une question qui n’a jamais été résolue d’une manière absolument satisfaisante, et cela peut-être parce que l’on a cherché à la simplifier à l’excès.

Partant de l’opposition établie par Platon entre la connaissance intuitive et la connaissance discursive, on a pensé que chacune de ces connaissances avait son ordre propre et que l’on devait dès lors admettre une distinction fondamentale entre l’ordre de l’être et l’ordre du discours.

Certains philosophes, d’autre part, se plaçant plus spécialement au point de vue de l’activité intellectuelle du savant, ont opposé l’ordre de l’invention et l’ordre de la démonstration, l’ordre de la découverte et l’ordre de l’exposition didactique[1].

Reprenant la question à son tour, M. Léon Brunschvicg a fort justement montré qu’il importe de ne pas con-

  1. Dans le langage du xviie siècle, ces deux ordres sont l’ordre de l’analyse et l’ordre de la synthèse.