science déjà faite qui, ici encore, se manifeste ? Le savant professionnel aura toujours en vue la première : c’est elle qui remplit sa vie, qui est l’objet continuel de son activité. Le philosophe, au contraire, voulant asseoir un système, sera — quel que soit d’ailleurs son dessein — nécessairement attiré vers ce qu’il y a de solide et d’indiscutable dans les théories scientifiques, c’est-à-dire vers les résultats acquis.
Ne parlons pas ici de Kant et d’Auguste Comte qui, comme le rappelle M. Brunschvicg, ont pris pour point de départ de leurs réflexions une science déjà arriérée, des théories mathématiques déjà dépassées à leur époque. Mais croit-on que les philosophes les mieux instruits du mouvement scientifique de leur temps opèrent avec une méthode très différente ? Sans doute ils savent avec exactitude à quel point est parvenu ce mouvement, mais connaissent-ils suffisamment la tangente qui en détermine la direction ? Et le savant de profession lui-même, lorsqu’il veut philosopher, ne suspend-il pas, pour un temps, le cours de sa pensée, ne fixe-t-il pas provisoirement celle-ci, afin de faire sur elle un effort de réflexion ? De là résulte que, dans la science telle qu’elle apparaît au travers de la philosophie, les valeurs, les traits saillants des différentes théories, ne sont pas les mêmes que dans la science vécue par le savant.
Ce n’est pas que le problème de l’invention et de la création mathématique n’ait été maintes fois et finement étudié. Mais, dans les termes où le