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mécaniques, (littéralement : lieux définis par un dessin ou tracé mécanique)[1], et non des courbes géométriques.

C’est ici qu’apparaît clairement l’insuffisance et la fragilité du point de vue grec, fragilité qu’a fort bien fait ressortir Descartes dans une page célèbre de sa Géométrie : « Les anciens — dit Descartes[2] — ont fort bien remarqué qu’entre les problèmes de la géométrie, … les uns peuvent être construits en ne traçant que des lignes droites et des cercles ; au lieu que les autres ne le peuvent être qu’on n’y emploie pour le moins quelque section conique ; ni enfin les autres qu’on n’y emploie quelque ligne plus composée. Mais je m’étonne de ce qu’ils n’ont pas, outre cela, distingué divers degrés entre ces lignes plus composées, et je ne saurais comprendre pourquoi ils les ont nommées mécaniques plutôt que géométriques. Car, de dire que ç’ait été à cause qu’il est besoin de se servir de quelque machine pour les décrire, il faudrait rejeter par même raison les cercles et les lignes droites, vu qu’on ne les décrit sur le papier qu’avec un compas et une règle, qu’on peut aussi nommer des machines. Ce n’est pas non plus à cause que les instruments qui servent à les tracer, étant plus compliqués que la règle et le compas, ne peuvent être si justes : car il faudrait pour cette raison les rejeter des mécaniques, où la justesse des ouvrages qui sortent de la main est désirée, plutôt que de la Géométrie, où c’est seulement la justesse du raisonnement qu’on recherche, et qui peut sans doute être aussi parfaite touchant ces lignes que touchant les autres. Je ne dirai pas aussi que ce soit à cause qu’ils n’ont pas voulu aug-

  1. C’est ainsi que Nicomède avait, paraît-il, imaginé un appareil permettant de décrire la conchoïde mécaniquement.
  2. La Géométrie, livre II : De la nature des lignes courbes.