Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/72

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ments de l’école intuitioniste et de l’école logique étaient faciles à concilier.

En résumé, l’étude des différents aspects de la mathématique grecque ne nous paraît point infirmer les jugements que nous avons portés plus haut sur les tendances générales de cette science. L’esquisse que nous avons tracée ne doit pas être modifiée. Seulement, cette esquisse ne nous faisait connaître que la science idéale, et elle comporte une contre-partie.

Aussi bien la conception intuitioniste de la science était-elle impuissante à expliquer à elle seule la genèse, et la possibilité même, de notre mathématique. La science intuitive telle que nous la présente Platon ne pourrait être réalisée que par un entendement doué d’une puissance de compréhension infinie. Pour un tel entendement, la science ne se déroulerait pas comme pour nous en une longue suite de théorèmes. Du point de vue de la raison, en effet, il n’est point vrai qu’une proposition en précède ou en justifie une autre ; toutes sont également primitives et évidentes par elles-mêmes. Mais la science humaine, imparfaite par nature, ne peut saisir que l’une après l’autre les propriétés des figures géométriques ; elle est donc obligée d’assigner un ordre à ces propriétés, et de suivre, pour les atteindre, une voie indirecte et sinueuse. C’est pour nous guider dans ces détours difficiles que la méthode euclidienne de démonstration sera d’un secours, non seulement précieux, mais nécessaire. On rapporte, écrit Proclus, que Ptolémée demanda un jour à Euclide s’il n’y avait pas pour la Géométrie de route plus courte que celle des Éléments : il eut cette réponse : « Il n’y a pas en géométrie de chemin fait pour les rois ».

Du point de vue des intuitionistes, sans doute, la méthode logique ne devrait jouer dans la science qu’un