Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/71

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sous la forme d’une « chaîne ininterrompue de propositions »[1].

À l’inverse de Pythagore et de Platon, les pures logiciens se préoccupent avant tout de l’ossature et de l’appareil didactique de la science. Mais ils ne sont pas nécessairement en désaccord avec ces penseurs sur l’origine des notions mathématiques. L’une des questions le plus fréquemment débattues entre théoriciens de la science était celle de l’importance relative des théorèmes et des problèmes. Les Platoniciens, comme Speusippe[2], Amphinome, Geminus, accordaient le premier rang au théorème, « pensant — dit Proclus[3] — que ce terme convient mieux que celui de problème aux sciences théorétiques et surtout traitant des choses éternelles ; car, pour de telles choses, il n’y a pas de génération, il n’y a donc pas de place pour le problème où il s’agit d’engendrer et de faire quelque chose comme si elle n’était pas auparavant ». D’autres savants, au contraire, comme Carpos le mécanicien, soutiennent les problèmes, faisant remarquer notamment que c’est par eux « que l’on trouve les sujets auxquels se rapportent les propriétés à étudier ». Désaccord profond, en apparence, mais qui tient, comme l’explique Proclus, à la différence des points de vue. Il suffit de distinguer entre la science idéale et la science didactique pour que Géminus et Carpos aient raison tous les deux, « car, si c’est d’après l’ordre que Carpos donne la prééminence aux problèmes, c’est d’après le degré de perfection que Geminus l’accorde aux théorèmes ». — C’est ainsi que les enseigne-

  1. République VI, fin.
  2. Speusippe (neveu de Platon) et Amphinome vivaient au ive siècle, Geminus au ier siècle av. J.-C..
  3. Cf. P. Tannery, La Géométrie grecque, p. 146.