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actes réflexifs fournissent les objets principaux de nos raisonnements (Théod. Préf. *, 4, a[1]).

31. Nos raisonnements sont fondés sur deux grands principes, celui de la contradiction en vertu duquel nous jugeons faux ce qui en enveloppe, et vrai ce qui est opposé ou contradictoire au faux[2] (§ 44, § 196).

    Dieu. Déterminée par la connaissance des principes de l’être, elle aboutit à la connaissance de l’être lui-même. — Il y a lieu à coup sûr de comparer cette doctrine avec celle de Maine de Biran. Cette comparaison a été faite avec une grande sagacité par M. J. Gérard dans son profond et élégant ouvrage sur Maine de Biran (V. notamment p. 217-227). Bien que Maine de Biran rattache lui-même sa doctrine à celle de Leibnitz, les différences sont sensibles, et l’auteur de la théorie du fait primitif ne manque pas de les mettre en relief. Leibnitz, dit-il, part « des notions de l’être, de la substance, de la force, comme ayant leur type exclusif et primitif dans l’absolu de l’âme, substance ou force, au lieu de partir de l’idée ou du sentiment relatif du moi individuel, qui ne s’aperçoit ou n’existe pour lui-même qu’à titre de cause, ou de force agissante sur une substance étendue. Dans le premier point de vue, celui des métaphysiciens, le point de départ est une abstraction ou une notion très élaborée dans le second, c’est un fait, le fait primitif du sens intime, qui est l’origine de tout, d’où toute science doit être dérivée. » (Fragments de M. de Biran publiés par M. Gérard à la fin de son ouvrage, p. XXVIII.) Maine de Biran ne combat pas moins la théorie a priori de la connaissance que la théorie empirique. Il n’est pas éloigné de croire que la « substance » des métaphysiciens se confond, en définitive, avec la matière elle-même, parce qu’en tant que substrat objectif elle s’oppose au sujet précisément au même degré et dans le même sens que la matière proprement dite. Activité et passivité, tel est, pour lui, le sens des mots spiritualité et matérialité. Or la substance séparée des métaphysiciens est du côté de la passivité. La différence entre Leibnitz et Maine de Biran tient, semble-t-il, à cette circonstance que Leibnitz cherche une explication logique du progrès de la connaissance, tandis que Maine de Biran en cherche une explication expérimentale. Leibnitz cherche dans l’infini la raison du fini ; Maine de Biran cherche dans le fait la cause de l’idée. Les vérités nécessaires sont, pour Leibnitz, la condition d’intelligibilité du moi ; le fait de l’effort est, pour Maine de Biran, l’origine psychologique du sentiment de soi-même et des notions qui s’y rattachent.

  1. Édit. Erdm., p. 469 a.
  2. Voy. sup., p. 73. Au § 44 de la Théodicée, Leibnitz formule ainsi le