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Page:Boutroux - Les principes de l’analyse mathématique.djvu/89

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garantie. Nous avons déjà dit que les géomètres ne pouvaient en faire état et devaient avoir recours à une méthode théorique, seule susceptible d’être rigoureusement précise. C’est pourquoi ils imaginèrent la méthode d’exhaustion (cf. no 58, que l’on appellerait aujourd’hui méthode du passage à la limite[1]. Encore, Euclide, le prudent, n’ose-t-il appliquer directement cette méthode[2] au problème de la rectification du cercle dont les termes mêmes ne lui paraissent pas logiquement recevables ; car, pour seulement parler de la longueur du cercle mesurée avec une unité rectiligne, il faudrait l’avoir définie, c’est-à-dire connaître un procédé de construction géométrique (vide infra, ch. iii. § 5) qui fournisse un segment « égal » à la circonférence du cercle : il faudrait donc avoir déjà résolu le problème de mesure que précisément l’on se pose. C’est le grand géomètre sicilien Archimède[3] qui résolut, le premier, ou plutôt trancha cette difficulté logique : il comprit qu’en déterminant une mesure arbitrairement approchée par excès ou par défaut de la longueur du cercle, on se trouve vérifier par surcroît que cette longueur existe[4] |j’entends : vérifier que l’on pourrait, théoriquement, construire un segment rectiligne qui soit égal à la circonférence| (ce qu’au no 57 nous avons admis comme intuitivement évident).

65. – Considérons[5], — pour appliquer la méthode d’exhaustion — un carré (fig. 20) inscrit dans la circonférence

  1. Voir sur le mot « limite » p. 35, note 5 ». Le mot « exhaustion » est du xviie siècle. On le trouve en particulier chez Grégoire de Saint-Vincent (vide infra, 67).
  2. En revanche Euclide applique, par exemple, la méthode d’exhaustion, à la démonstration du théorème suivant : les aires de deur cercles différents sont proportionnelles (vide no 98) aux carrés de leurs diamètres ; ici, en effet, l’assimilation de la circonférence à un contour rectiligne et de l’aire du cercle à une aire polygonale n’est pas postulée.
  3. Dans le traité intitulé : grec. Cl. Heath, The works of Archimedes, Cambridge, 1897, p. 91.
  4. Sur les conditions auxquelles doivent satisfaire les valeurs approchées pour que cette conclusion soit valable, voir p. 80, note 2.
  5. C’est la méthode suivie par Antiphon (3e siècle av. J.-C.) qui s’inspire peut-être de la tradition pythagoricienne. Sur les moyens à employer pour construire le carré inscrit ou circonscrit — et les polygones réguliers dont il sera question plus loin — voir le liv. II des Éléments d’Euclide et tous les traités de géométrie.