Aller au contenu

Page:Boutroux - Les principes de l’analyse mathématique.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spécifiée une forme de grandeur, la mesure d’une grandeur de cette forme est égale à la mesure d’une grandeur correspondante ayant une forme plus simple : j’entends par là que, si loin que soit poussée l’approximation, on trouvera le même nombre comme mesure des deux grandeurs correspondantes[1] ; ce qui indique — notons-le en passant — que, dans le monde idéal des êtres géométriques, les deux grandeurs jouissent d’une propriété commune, ont une parenté, totalement indépendante de nos procédés de mesure et de leur plus ou moins grande approximation (comparer le no 88).

Les calculateurs égyptiens[2] se plaçaient au point de vue empirique lorsque, pour avoir la mesure d’un triangle où l’angle est petit (fig. 24), ils faisaient le produit des mesures de et de et divisaient par règle qui n’est que très grossièrement approximative[3]. Le géomètre grec, au contraire, vide infra no 76 — lorsqu’il démontre que la mesure de l’aire du triangle est égale au demi-produit des mesures de et de la hauteur fig. 24 — se place au point de vue théorique. Aussi son œuvre est-elle impérissable : les instruments ont beau se perfectionner et nous permettre d’atteindre une approximation plus grande, la relation constatée par lui entre la grandeur d’une aire et celle de deux longueurs ne saurait être altérée.

72. – Comment maintenant, la géométrie rationnelle parvient-elle à ses fins ? Elle n’effectue pas de calculs numériques, mais, remontant à l’origine de la notion de mesure, elle « opère a directement sur les figures des grandeurs en cherchant à y discerner certains points, lignes ou surfaces auxquels elle puisse appliquer les théorèmes connus (je veux dire : les théorèmes dont elle dispose déjà). D’ailleurs, il lui faut d’ordinaire pour pouvoir appliquer ces

  1. Les unités avec lesquelles sont mesurées les grandeurs étant supposées choisies à l’avance et une fois pour toutes.
  2. Cf. le Manuel du calculateur d’Ahmes : vide Eisenlohr (supra, p. 2, note 2), op. cit., p. 126 sqq.
  3. La méthode égyptienne est en revanche parfaitement recommandable si l’imperfection des instruments dont nous disposons doit nous faire perdre en tout cas le bénéfice que nous tirerions de la connaissance d’une règle exacte.