Aller au contenu

Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rine, et pour mettre à effet leur très mauvaise détermination, elles firent entrer, la nuit qui précéda la fête de Saint-Nazaire de l’année 1606, dans le monastère, Osio, auquel elles racontèrent le tout. Ils allèrent tous ensemble dans la chambre où était enfermée Catherine, à cause de quelques légèretés, par ordre de la mère abbesse. Osio entra par la fenêtre, les religieuses en firent autant, et pendant qu’elles adressaient quelques mots à Catherine, qui était couchée sur une paillasse, Osio la frappa sur la tête de trois coups avec un pied de tabouret, doublé d’une lame de fer. Lorsqu’elle fut morte, ils la cachèrent dans le poulailler du monastère, et ils firent un trou dans le mur, pour laisser croire qu’elle s’était sauvée par là. La nuit suivante, Osio étant entré de nouveau dans le monastère, lui et les religieuses sus-nommées mirent le cadavre dans un sac et le portèrent dans la maison du même Osio, où ils l’ensevelirent.

« Dans le mois de décembre 1607, pour les raisons susdites, d’ordre de Rome, Virginie fut transportée dans un monastère de Milan ; les officiers du tribunal criminel de l’archevêché prirent des informations sur tous ces méfaits et crimes énormes. Les sœurs Benoîte et Octavie craignant, si leur complicité était découverte, d’être châtiées sévèrement, rompirent pendant la nuit avant la fête de Saint-André, de la même année 1607, le mur du jardin, avec l’aide de Osio, et prirent la fuite. Octavie, à peu de distance de Monza, fut jetée par Osio dans la rivière Lambro ; elle reçut quatorze blessures sur la tête, et quelques-unes sur les mains. Le matin suivant, elle fut trouvée vivante, en très-manvais état, sur le bord de la rivière. Sœur Benoite continua son voyage avec Osio, lequel, la nuit suivante, la jeta dans un puits profond de trente-deux brasses, mais sec, à six milles de Monza ; dans sa chute, elle se brisa une cuisse et deux côtes. Après avoir demeuré dans le puits deux jours et deux nuits, elle en fut retirée vivante. Elle a été interrogée comme les autres religieuses susdites . Elles ont avoué librement, et sans avoir besoin d’être mises à la question, tous les susdits crimes et excès, pour lesquels Osio a été condamné, par le Sénat, à la peine de mort, à être tenaillé, à avoir la main droite coupée et à la confiscation de tous ses biens. On a fait raser sa maison a fundamentis, et l’emplacement a été converti en place publique, sur laquelle on a fait ériger une colonne en marbre, avec une inscription infamante.

« Et à cause de ces crimes atroces, les susdites religieuses, excepté Octavie, qui mourut le jour de Saint-Etienne suivant, furent enfermées provisoirement dans quelques chambres comme lieu de prison, où elles sont entrées jusqu’à ce que leur cause ait pu être examinée par la justice, puis les susdites sœurs Virginie, Benoîte, Silvie et Candide ont été murées séparément, chacune dans une prison qu’on a assignée à chacune d’elles, à perpétuité, pour leur peine, avec d’autres pénitences salutaires. On n’a rien objecté de la part de sœur Virginie, contre la sentence ; mais on dit que les parents des autres veulent interjeter appel ; cependant, comme sur ce sujet elles ne sont pas et ne seront jamais écoutées, car le cas mérite cette expiation, on doute qu’elles en appelleront coram honestis viris, pour extorquer de Rome, avec mille mensonges et subreptions, quelque ordre ou révision de cause. Mais ici on exécutera, sans attendre, la sentence déjà prononcée, et déjà on a commencé à l’heure qu’il est de la mettre à effet ; on s’en occupe et on poursuivra les choses jusqu’à ce que le tout soit exactement exécuté, car le cas est très-laid et les crimes énormes et très-atroces ; et c’est pour cela qu’elles ne méritent aucune compassion.

« Déjà la sentence susdite a été exécutée et lesdites religieuses ont été murées séparément, chacune dans une prison, ainsi qu’on l’a dit plus haut, en y laissant de petites fenêtres qui laissent pénétrer l’air et par où l’on fait passer la nourriture, ainsi qu’il convient de faire dans de semblables circonstances. Ce jour, 4 août 1609, le présent résumé, dressé sur les pièces de la procédure, a été expédié par l’Ordinaire à Rome, par Monseigneur le Vicaire Général, en l’adressant à Monseigneur Trivulzio. »

Ce résumé laisse tout à fait à l’écart le promoteur de ces crimes, celui qui a ourdi les intrigues, qui a été la cause première de tous ces malheurs.

En réalité, toute la responsabilité des actes abominables accomplis doit retomber sur un prêtre, ami et confesseur de l’amoureux Osio, un curé ayant charge d’âmes, un moraliste auquel l’évêque du diocèse avait confié la mission de conduire les nonnes dans la voie du salut ; ce prêtre — aumônier du couvent — se nommait Arrighone.

Voici la sentence rendue contre le criminel agent qui avait joué le principal rôle dans la lugubre tragédie. Cette pièce témoigne contre le clergé et fournit de nouveaux arguments contre le catholicisme en faveur de la suppression du confessionnal.

« Ayant invoqué les noms de Jésus-Christ et de la vierge Marie sa mère, etc., etc.

« Nous, Mamurius Lancillottus, etc., séant sur notre tribunal, n’ayant que Dieu devant nos yeux, après avoir entendu nos conseils et obtenu l’assentiment des savants jurisconsultes, sur ce qui regarde la cause qui a été agitée en première instance devant nous, entre l’avocat du tribunal criminel, procureur fiscal, d’un côté, et le sieur Paul Arrighone, curé de St-Maurilio de Monza de l’autre côté, arrêté et poursuivi comme fortement inculpé, vigoureusement suspecté et respectivement, comme ayant fait des aveux et convaincu de crimes énormes, atroces, de méfaits, d’excès et péchés suivants :

« Premièrement ; d’avoir fait au nom de Osio, à sœur Virginie, des lettres d’amour en soutenant qu’il n’y avait pas péché à se livrer à un homme, et que celui qui pénétrait dans le cloitre n’encourait pas l’excommunication.

« Deuxièmement ; que ledit Arrighone baptisa — autrement dit, magnétisa — un aimant qu’il remit Osio, et celui-ci à Virginie.

« Troisièmement ; que le même Arrighone fut la cause principale et immédiate de la perpétration des méfaits exécrables suivants :

« 1o Que Osio eut pendant plusieurs années l’en-