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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/152

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trée libre dans le Monastère ; qu’il y tint une intrigue criminelle, très-vive, avec sœur Virginie ; qu’il la rendit mère de deux enfants, et qu’il la fit sortir du couvent en la conduisant dans sa maison ;

« 2o Que Osio, craignant la révélation de cette intrigue par une certaine Catherine de Meda, il la tua dans le monastère de Sainte-Marguerite, pendant la nuit, et qu’il emporta son cadavre enveloppé d’un sac, dans sa propre maison ;

« 3o Que le même Osio, par crainte que les sœurs Octavie et Benoite, instruites de cette intrigue et de l’homicide de Catherine, ne le dénonçassent, il les enleva pendant la nuit du monastère, jeta Octavie dans la rivière Lambro, après lui avoir fait des blessures graves avec la crosse de son fusil, et précipita Benoîte dans un puits de Velate ; c’est pourquoi Osio fut condamné par le Sénat à la peine de mort et sa maison fut rasée ;

« 4o Que ledit Arrighone provoqua Virginie par des lettres d’amour, par des vers et par des discours au parloir, afin d’arriver au but pervers pour son propre compte ;

« 5o Qu’enfin il entretint des relations criminelles avec plusieurs religieuses et notamment avec la sœur Candide ;

« Ayant présentes à notre esprit toutes ces choses et d’autres,

« Vu les actes, etc., etc., les dépositions des témoins, les charges, les indices très clairs et les fortes conjectures, etc., qui pèsent comme circonstances aggravantes sur le prêtre Arrighone et aussi ses aveux ;

« Considérant la défense que Arrighone a produite, ainsi que les allégations du seigneur fiscal, et aussi l’assignation par laquelle Arrighone a été sommé de se présenter les jours et heures fixés pour entendre prononcer sa sentence.

« Vu ce qu’il y avait à voir et considéré ce qu’il y avait à considérer, et après en avoir instruit le très illustre et révérend seigneur, le cardinal Borromée, archevêque ;

« Après avoir répété et invoqué les noms de Jésus et de Marie ;

« Nous disons, prononçons, déclarons et jugeons par sentence définitive que ledit Arrighone, convaincu coupable et, par conséquent, punissable suivant les lois, soit condamné à la peine de la galère pendant deux ans seulement, et cela, eu égard au long emprisonnement qu’il a subi déjà, et aussi par d’autres considérations qui ont eu de l’efficacité sur notre cœur ; — la crainte d’un plus grand scandale pour la religion.

« Il doit être conduit sans délai à subir sa peine, et nous prescrivons que là il doit effectivement ramer pendant tout le temps que nous avons prescrit.

« Ce temps passé, nous condamnons, dès ce moment, ledit Arrighone au bannissement perpétuel de Monza, et de quinze milles à la ronde, sous peine de la dégradation des ordres sacrés, de la perte du bénéfice de curé et de trois autres années de galère, s’il osait rompre son ban ; c’est-à-dire s’il se rendait à Monza ou dans son voisinage, dans la périphérie de quinze milles.

« C’est ainsi que j’ai jugé définitivement, moi, Mamorius Lancillottus, Vic. Crim. »

Les pièces du procès démontrent que c’était Arrighone qui avait poussé Osio à séduire la sœur Virginie. Osio, en effet, s’était précédemment rendu coupable d’un meurtre et redoutait que sœur Virginie de Leyva, cousine des princes d’Ascoli et maîtresse féodale de tout le district de Monza, n’attirât sur sa tête un terrible châtiment. Il fit part de ses appréhensions à Arrighone au tribunal de la pénitence.

« Vous voilà embarrassé pour peu de chose, répondit le prêtre confesseur à son pénitent. En vérité, je vous trouve naïf. Eh ! quoi, vous êtes jeune, vous êtes beau, riche, vous savez votre monde, et un si petit obstacle vous arrête ? Faites-vous donc aimer de sœur Virginie : ce sera désarmer l’ennemi. »

Osio se montre alors dans son jardin à sœur Virginie, vêtu de ses plus riches habits. La nonne le contemple et exprime à l’une de ses compagnes le ravissement où la jette l’aspect de ce beau cavalier. La religieuse, confidente de sœur Virginie, est la maîtresse et la pénitente du curé Arrighone. Celle-ci raconte la chose en confession, et le prêtre, ami de Osio, s’empresse de révéler le secret qui lui a été confié. Infraction au secret pénitentiel ! L’amoureux se trouvant encouragé par la confidence du prêtre, risque une déclaration brûlante et jette sa lettre dans le jardin du couvent. Virginie se montre d’abord scandalisée du procédé et renvoie l’épître à son auteur. Sœur Virginie fit les aveux suivants sur tout ce qui a trait à l’affaire : « Jean-Paul Osio était très lié d’amitié avec le prêtre Paul Arrighone ; il lui faisait des cadeaux et lui donnait de l’argent ; il le consulta, au tribunal de la pénitence, sur la conduite qu’il devait tenir pour me ramener à de meilleurs sentiments à son égard.

Le prêtre lui dit que le moyen qu’il avait employé n’était pas habile et qu’il ne réussirait pas dans son dessein, mais qu’il devait me tromper et m’écrire une lettre dans laquelle il ferait montre de respect et de sentiments religieux.

Alors Jean-Paul m’écrivit une autre lettre par laquelle il me demandait pardon de l’impolitesse qu’il avait commise envers moi, et ajoutait qu’il se garderait bien de m’offenser à l’avenir. Il promettait, dans sa lettre, de faire dorénavant tout ce qui pourrait m’être agréable. »

Le procès constate en effet que Osio demanda à Arrighone des conseils sur les moyens d’obtenir les bonnes grâces de la sœur Virginie et que celui-ci, pour mieux le servir, consentit — moyennant paiement et force cadeaux — à écrire plusieurs lettres d’amour à la religieuse au nom de Osio. Le rusé prêtre disait, dans ces lettres, qu’il n’y avait pas de péché dans un commerce amoureux entre un homme et une femme, qu’elle fût du monde ou entrée en religion, et — à l’appui de son opinion, — il citait des textes qu’il attribuait à Saint Augustin.

La stratégie machiavélique du prêtre confesseur réussit à merveille ; Virginie consentit à écouter les doux propos de Osio à travers les grilles du parloir.

Elle ne se rendit pas immédiatement aux désirs de son amant, elle résista même longtemps à toutes les