Aller au contenu

Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contagion a envahi les plus purs, les plus chastes parmi les imprudents, les femmes ou les jeunes filles. Vous avez infecté du venin tous ceux qui étaient venus à vous comme à une fontaine purifiante.

Sachez donc, prêtres ignorants ! vous qui n’avez pas l’intelligence de votre temps, que si le système d’interrogations a pu avoir, comme vous l’affirmez, sa raison d’être, à une époque de foi, de barbarie, féconde en forfaits, comme le moyen âge, il n’est plus admissible dans un siècle de lumière, de civilisation et de progrès. Au moyen âge le confesseur et la pénitente avaient la foi au dogme, foi aveugle. L’Église était aux terreurs, aux miracles, aux démons, à l’enfer. Entre le confesseur et les pénitents venaient se placer le glaive de l’archange et les épouvantes du jugement dernier. Aujourd’hui, la barrière de feu a disparu ; la foi a déserté les sanctuaires ; les prêtres et les fidèles ont perdu la croyance. La confession n’est plus qu’une affaire de mode, de coquetterie, de curiosité de la part de certaines femmes, et de libertinage. Autrefois le confesseur savait et la pénitente ignorait. Lors même que le prêtre était jeune, il était le père, sa pénitente était l’enfant. À notre époque, où le clergé se recrute, en grande majorité, dans les campagnes les plus réfractaires à la civilisation, les prêtres se ressentent de l’éducation qu’ils ont reçue au village, ils sont ignorants, grossiers, incultes ; instincts honteux, passions ignobles ; ils ont en apanage tous les vices. Les ouvriers des villes ont parfois plus d’expérience que les curés de nos campagnes et que beaucoup de prêtres des villes, et plus d’instruction réelle. Le contraste entre le confesseur et la pénitente est bien plus grand, lorsque le confessionnal se trouve occupé par un prêtre inexpérimenté, qui vient de quitter le séminaire, et quand la pécheresse qui se met à ses genoux est une femme du monde, la femme de quarante ans, passionnée, une de ces courtisanes de la noblesse ou de la bourgeoisie, qui a passé sa vie dans les intrigues, qui a bu à toutes les coupes, qui a épuisé tous les genres de voluptés… Chaque mot qui sort des lèvres d’une telle femme est pour le jeune prêtre sujet d’étonnement, d’effroi même. On lui parle une langue qu’il ne comprend pas. À la stupéfaction succède une ivresse, celle des sens. Ici l’ignorance est aux prises avec la science. Il y a lutte entre le confesseur et la pénitente. La chute suivra bientôt, c’est dans la logique. Le jeune prêtre est perdu sans retour ; il deviendra l’amant de la syrène, qui le façonnera à sa guise. Il se sera corrompu au contact de la matrone émérite ; et il ne tardera pas à pervertir les vierges qui succèderont à la grande pécheresse dans son confessionnal.

Si nous abordons les instruments d’enquête et la routine des confesseurs dans la pratique, nous y trouvons de nouveaux sujets d’étonnement. L’Église ordonne à ses ministres de suivre dans leurs investigations les procédés qui étaient en usage, il y a deux siècles et plus. On agit comme si l’humanité n’avait pas progressé. On met dans les mains des confesseurs des manuels surannés, qui s’appuient sur les casuistes que l’immortel Pascal a enterrés et qui sont des outrages à nos mœurs plus raffinées.

Prêtres corrompus, adultères, incestueux ! vous faites litière de la raison humaine, de la pudeur des filles et des femmes, de l’innocence des jeunes garçons ! Vous avez l’audace de poser à vos pénitentes des questions d’une immoralité révoltante ; vous leur parlez la langue d’Escobar et de Sanchez, comme si les mots dont se servaient ces casuistes odieux pouvaient encore être entendus à une époque de civilisation.

Vous osez interroger de pures jeunes filles et des adolescents sur des crimes contre nature, qui ont pu être commis par les bandes armées que recrutait le Catholicisme dans les temps de barbarie et des guerres de religion, et qui dépassent en horreur tout ce que raconte votre Bible des habitants de Sodome et de Gomorrhe, la copulation avec les animaux, la pollution et le stupre sur les cadavres de femmes. Ces attentats sont oubliés, ils ne se sont pas renouvelés, et leurs noms mêmes ne devraient plus être prononcés. Vous êtes coupables, vous êtes criminels d’en réveiller le souvenir.

Vous osez prétendre, hommes pervers ! que la confession doit être entière et complète sans réticence ni omission.

Nous vous répondrons avec les théologiens que la confession elle-même n’est pas indispensable ; qu’un seul point est essentiel : La contrition. Dans les cas de paralysie complète, les fidèles sont dispensés de l’aveu des fautes, tandis que jamais ils ne seraient absous sans le repentir. Pourquoi donc ne pas user d’une extrême réserve quand il s’agit du vice que vous appelez, en argot de sacristie, le contraire de la sainte vertu ? Pourquoi ne vous contentez-vous pas d’écouter les aveux des pénitents sans provoquer les confidences par des interrogatoires abominables ?

Vous préférez descendre dans les dernières profondeurs de l’âme et torturer les esprits faibles, les femmes et les jeunes filles ingénues, pour la satisfaction de vos passions ignobles.

Le confessionnal est devenu une espèce de table d’autopsie sur laquelle le médecin de l’âme, d’après l’expression consacrée, étudie son sujet. Pour lui point de secrets. Sous prétexte d’intégrité des aveux, il faut que des effets il remonte aux causes ; pour guérir il doit connaître le siége du mal. Le pénitent, la pénitente, lui appartient, et il s’arroge le droit de promener son scalpel investigateur sur toutes les parties de son corps.

La jeune femme qui exige de son mari une réserve absolue, qui veut être possédée, mais que la moindre indiscrétion sur les mystères amoureux révolterait, désaffectionnerait, ouvre tout grands, au prêtre libertin, les rideaux de son lit nuptial. Elle déroule les secrets de ses nuits de volupté à l’homme en soutane qui lui demande compte de ses agissements et précise ses questions. Où ? Comment ? Combien de fois ? La jeune pénitente doit tout raconter dans le confessionnal à ce satyre noir et velu. Ainsi l’exige la loi de l’Église. Abomination !

La jeune épouse doit énumérer ses sensations, re-