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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/17

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venir sur chacun des baisers reçus ou donnés, dépeindre ses transports, ses enlacements, donner le compte de ses soupirs, brûlantes étincelles de deux natures en fusion ; car le prêtre revendique le droit de demander à la pénitente ce que l’épouse se croit le devoir de cacher à son mari, ce qu’elle ose à peine s’avouer à elle-même.

La jeune fille, à peine nubile, est soumise à de pareilles flétrissures ; le curé ne respecte ni l’adolescence, ni la jeune enfance. La vierge, fleur à peine éclose, qui s’ouvre à la lumière, à la vie, à l’amour, ne pourra plus renfermer dans son cœur ses rêveries, ses extases, ses étonnements. Le corrupteur est à ses côtés, le prêtre indiscret, curieux, libertin, l’interroge comme directeur, se délecte de ses aveux naïfs, des tressaillements de son âme candide.

Le beau rêve que caresse la charmante enfant, qui la suit partout, qui subitement suspend sa marche à la promenade, ou sa main agile, dans son travail, qui fait pencher sa tête sur son sein agité ; ce rêve qui, le soir, vient voltiger à son chevet et berce doucement son sommeil, ce rêve aux ailes dorées et frémissantes n’appartient pas à elle seule ; le confesseur en soutane ou en froc en exige la confidence.

De par l’ordre du prêtre, et au nom de Dieu, la belle innocente doit analyser avec soin toutes ses sensations, chercher à définir ce charme sous lequel tout son être est plongé ; elle doit compter les battements plus précipités de son cœur ; elle doit garder le souvenir des mouvements tumultueux de ses sens.

L’homme noir a dit à sa pénitente que l’émotion est une faute, le désir un péché.

Bien plus, s’il arrive que la douce enfant, après une enivrante soirée passée sous l’œil maternel, auprès de l’ami de son cœur, dans la nuit, quand sa paupière est close, s’abandonne au charme d’une voluptueuse vision, elle devra donner un corps au songe et raconter au curé la surprise imposée par la nature à sa virginité.

Combien ces aveux doivent coûter à la jeune épouse, à la jeune fille !

Quels combats ont à soutenir les infortunées contre le confesseur infâme qui veut arracher le voile qui couvre les aspirations de la jeune fille et les voluptés de l’épouse !

Mais la victoire est assurée au prêtre ; il parle au nom de Dieu, il commande, il exige la soumission ; la vierge est déflorée moralement, la jeune femme profanée. Après la corruption de l’âme vient fatalement la prise de possession des corps ; le prêtre remplacera l’amant et l’époux.

Si nous abordons un autre ordre d’idées, la tranquillité de l’esprit, la paix de l’âme sur les questions religieuses, nous voyons encore l’homme à soutane s’écarter du but et apporter le trouble dans les consciences.

Les prêtres se jouent de la crédulité humaine, ils jettent les esprits dans un doute énervant, et les cœurs dans des perplexités cruelles, parfois dans le désespoir qui tue.

Il n’y a chez eux qu’ignorance et ténèbres. Autant de confesseurs, autant de jugements. Du soir au lendemain le directeur change d’opinion, pour le même cas et la même personne. Il y a une théologie pour les grands et une autre pour les petits. Heureux les riches, malheureux les pauvres ! Dans l’Église catholique on trouve deux poids et deux mesures !

Que de variations ! Quelles tortures pour les âmes, précipitées dans le doute par des directeurs indécis sur les plus importantes matières !

Peut-il en être autrement, quand leurs maîtres, au lieu d’être savants, ne sont que des douteurs à l’exemple de l’évêque du Mans dans son Manuel des confesseurs ?

À chaque page ce sont des probabilités, et nulle question n’est résolue.

Les théologiens que l’Église ose nous présenter comme très-instruits et des plus honorables se sont évertués à faire une anatomie dégoûtante, à remuer la matière sans aboutir à d’autre résultat qu’à celui de la démoralisation. Monseigneur Bouvier n’est ni le premier, ni le seul qui ait écrit sur la luxure. Il a mis en corps d’ouvrage les détails accumulés dans les œuvres de Sanchez, de Suarez, de Molina, de Billuart, de Liguori et de la tourbe des théologiens.

Le succès du Manuel de l’évêque du Mans a excité les convoitises sacerdotales ; dans ce genre plusieurs ont écrit en latin traditionnel d’autres ouvrages. Ces publications de haut goût ont été rapidement enlevées par les curés auxquels tout particulièrement elles sont destinées. Spéculation excellente !

L’Évêque ultramontain de Poitiers, Monseigneur Pie, en 1870, a approuvé un manuel nouveau destiné principalement aux jeunes confesseurs, — neo-confessarius. Voici le titre de cet opuscule compacte, servant de complément au manuel qui nous occupe : De rebus venereis ad usum confessariorum auctore D. Cresson, olim superiore majoris seminarii ac vicario generali diocœsis valentiniensis. Parisiis, Poussielgue, fratres bibliopolœ-editores, viâ dictâ cassette 27. 1870.

On lit au verso du faux titre : Imprimatur, Pictavu die 11 junii 1870. A. de Bechillon V.-G. — Vicaire général.

Cela est donc imprimé à Poitiers, approuvé par l’évêque et vendu à Paris et dans toutes les librairies spéciales des pays catholiques.

En tête du livre, une préface courte et instructive avertit que ce manuel est surtout destiné aux jeunes confesseurs, et que les solutions préférées tiennent le milieu entre le rigorisme janséniste et l’indulgence jésuitique.

Cette élucubration, où sont énumérées en bas latin les cas probables, assez probables, moins probables, etc., est divisée en trois édifiantes dissertations : 1o De castitate et peccatis ipsis oppositis ! 2o De quibusdam minus pudicis ad matrimonium spectantibus ; 3o De quibusdam questionibus maximi momenti quæ fœtum et partum mulierum concernunt.

Les titres des chapitres ne peuvent guère se transcrire, même en latin. Le lecteur comprend qu’il s’agit du fœtus dans le troisième chapitre.

Deux autres ouvrages méritent une mention particulière.