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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/59

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action, comme, par exemple, quand on évoque le | souvenir d’un acte charnel déjà accompli, ou de mauvais propos qui ont été tenus : dans cette espèce se classe le dépit de ne pas avoir, dans une occasion donnée, fait une action mauvaise ; par exemple, de ne pas avoir séduit une jeune fille, quand on vient à s’apercevoir que la chose eût été facile.

La délectation morose ou contemplative consiste simplement à se complaire dans une action mauvaise que l’imagination nous représente comme réelle, mais sans désir de l’accomplir ; par exemple, lorsqu’on s’imagine qu’on se livre à la fornication, et que, sans chercher à accomplir cet acte, on se complaît, d’un libre consentement, dans l’idée qu’on s’en est faite.

Ce n’est pas la durée de cette disposition de l’esprit qui a fait donner à la délectation dont nous parlons le nom de morose, puisqu’un seul instant suffit pour l’accomplissement d’un péché intérieur, mais bien la persistance dans cette délectation après qu’on s’est aperçu qu’on était en état de péché.

Il est certain, d’après ce qui vient d’être dit :

1o Que le désir d’une chose mauvaise est un péché de la même nature et de la même espèce que la chose désirée, parce que le siége du péché est dans la volonté ; or, la volonté est complète, lorsqu’il y a vrai désir d’arriver à une chose mauvaise.

Il suit de là que ce péché se qualifie par son objet. Les qualités et les particularités de l’objet désiré changeant l’espèce du péché ou augmentant sa gravité sans en changer l’espèce, on doit les déclarer en confession ; celui, par exemple, qui a porté ses désirs sur une parente par consanguinité ou par alliance, doit déclarer cette circonstance, de même que le degré de consanguinité ou d’alliance, aurait-il seulement désiré l’acte charnel faisant, dans son esprit, abstraction de tout lien de consanguinité ou d’alliance, car la malice de l’inceste est inséparable de l’objet, même en faisant abstraction de ce dernier ; il en serait autrement si on ignorait complètement cette circonstance.

Il ne suffit donc pas que le pénitent dise, d’une manière générale, qu’il a eu de mauvais désirs ou qu’il a désiré commettre des actes impurs ; il doit spécifier l’objet de ses désirs : l’union charnelle, ou seulement des attouchements ou des regards, avec une personne en général et de quel sexe, ou avec une personne déterminée, libre ou liée par un engagement quelconque, etc.

2o Il n’est pas moins certain que le fait d’arrêter sa pensée sur un acte de luxure passé, de s’y complaire librement, peut être assimilé, comme malice, à l’acte lui-même : car la volonté embrasse l’objet tout entier revêtu de toutes ses particularités ; elle revêt donc de nouveau toute sa malice. Il en est évidemment de même lorsqu’on regrette de ne pas avoir fait le mal dans une occasion passée.

3o Il est encore certain que la libre délectation de l’esprit, dans un objet vénérien que l’imagination nous montre comme présent, constitue un péché mortel ; car, dans l’hypothèse, l’objet lui-même est mortellement mauvais ; or, celui qui donne son libre consentement à une chose mauvaise, par exemple à la fornication à laquelle il suppose se livrer, fait une action contraire à la loi de Dieu.

On lit dans le Livre de sagesse, 1. 3 : Les mauvaises pensées nous éloignent de Dieu ; et dans Les Proverbes, 4. 23 : Mets tous tes soins à conserver ton cœur.

Des auteurs nombreux enseignent que la délectation morose ou contemplative se spécifie non par les objets extérieurs, mais par la représentation qu’on