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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/60

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se fait de ces objets, et que c’est en cela qu’elle diffère des désirs. La raison de cette différence vient de ce que le désir aspire à l’objet autant qu’il est au pouvoir de celui qui l’éprouve, et par là entraîne nécessairement toutes ses malices connues, quelles que soient les abstractions qu’on peut avoir faites. (de qualités ou circonstances), tandis que la simple délectation repose dans l’image de l’objet.

D’où il suit que celui qui se délecte dans l’idée qu’il se fait de l’acte charnel pratiqué avec une femme mariée, parente par consanguinité ou par alliance, ou avec une religieuse, mais considérée uniquement comme femme, commet un péché qui n’est probablement pas revêtu de la malice de l’adultère, de l’inceste ou du sacrilége. Voy. de Lugo, Bonacina, Layman et nombre d’autres cités par St Ligori, l. 5, no  15, qui donne cette opinion comme probable.

Beaucoup d’autres, cependant, tiennent l’opinion contraire comme la plus probable, parce qu’ils ne regardent pas comme fondée cette prétendue différence entre le désir et la simple délectation : La délectation, disent-ils, embrasse comme le plaisir, tout l’objet connu nonobstant les abstractions. Voy. St Antoine, Cajetan, Lessius, Sanchez, Suarez, Sylvius, le P. Antoine, Collet, Dens, etc.

Les deux opinions sont probables ; la dernière est la plus sûre ; mais il est souvent difficile d’obtenir que les pénitents fassent connaître l’objet de leurs pensées ; dans ce cas, un confesseur prudent, se basant sur la première opinion, s’abstient de questions importunes.

4o Celui qui s’aperçoit qu’il prend plaisir à un objet vénérien qui n’est présent que dans son imagination et qui y reste indifférent, commet probablement un péché mortel, n’éprouverait-il même pas de mouvements désordonnés, car il donne son consentement à une chose mauvaise, ou, du moins, s’expose au grave danger d’y consentir. C’est, dans la pratique, l’opinion de presque tous les théologiens.

5o Il est à remarquer qu’il y a une grande différence entre penser à une chose mauvaise et se délecter dans une chose mauvaise. Nous allons l’expliquer par une comparaison : Celui qui se complaît volontairement dans la pensée d’un homicide qu’il se représente comme s’accomplissant, commet certainement un péché mortel ; mais celui qui pense à un homicide qu’un autre a commis ou doit commettre, ou qui en parle, ne pèche pas pour cela. Il en est de même des actions honteuses : La simple pensée de ces actions ou du plaisir qu’elles procurent n’est pas en soi un péché, et on n’en commet pas davantage en y pensant, en se les rappelant ou en les prévoyant ; autrement les médecins, les théologiens, les confesseurs, les prédicateurs, qui étudient et écrivent sur ces matières, qui les traitent ou en parlent, pècheraient nécessairement, et c’est ce que personne ne saurait affirmer.

Il y a cependant cette différence entre la pensée d’un homicide ou d’une autre chose mauvaise et la pensée d’une chose honteuse, que cette dernière est toujours dangereuse à cause de notre concupiscence naturelle ; il n’en est pas ainsi de la première, car un tel penchant n’est pas dans notre nature. Par conséquent, on pèche véniellement ou mortellement, selon le danger qui en résulte, en se formant volontairement des images d’objets honteux, à moins que ce ne soit par nécessité.

Il est à remarquer que le sentiment de la délectation se distingue du consentement à la délectation : L’un, en effet, est souvent nécessaire et pour cela, exempt de péché, tandis que l’autre dépend toujours de la volonté. Autre chose est sentir, autre chose consentir.