Page:Bove - Mes Amis.djvu/181

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tramway s’éteignit. Tout changea de couleur. Dans l’embrasure grise des fenêtres, on voyait la pluie.

— Chardon-Lagache.

Je me sentais triste et seul. Tous ces gens savaient où ils allaient. Tandis que moi, je partais à l’aventure.

— Point-du-Jour.

Je descendis. Un filet d’eau tombant du toit du tramway me coula dans le dos. Mes jambes, secouées par le tremblement du tramway, se dérobaient. Ma face, longtemps immobile, s’était raidie. Mon pied gauche était froid.

Le tramway s’en alla, emportant les têtes que je connaissais et ma place vide.

Dans une cabane, deux douaniers qui n’avaient pas dormi, se préparaient à partir.

Pour aller à Billancourt, il faut sortir de Paris.

Je suivis une longue avenue, sans trottoir, bordée de maisons basses.

Il pleuvait toujours. La boue, qui se collait à mes souliers, claquait à chaque enjambée. Derrière un mur, un arbre remuait comme un fourré où il y a quelqu’un. Le vent tournait les feuilles à l’envers. La pluie faisait des bulles sur les flaques.