Page:Bove - Mes Amis.djvu/67

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plats et on l’aimait, tandis que je vivais seul, moi, plus jeune et plus beau.

Jamais nous ne pourrions nous entendre. Il était heureux. Par conséquent, je ne l’intéressais pas. Il valait mieux que je m’en allasse.

Nous marchions toujours. Je cherchais un prétexte pour me sauver. Comme j’aurais aimé à être assis, humble, seul et triste, dans un coin du restaurant de la rue de Seine. Là, au moins, personne ne s’occupait de moi.

Vraiment, Billard n’avait pas de tact. Si j’avais été marié, je ne l’eusse pas dit. Il devait savoir qu’on ne raconte pas son bonheur à un malheureux.

Pourtant, je ne me résolvais pas à quitter mon compagnon. Une pensée qui avait grandi, à l’écart, dans mon âme, me ranimait. Il se pouvait que cette femme n’aimât pas Billard. Peut-être, souffrait-il ! Qu’il m’eût été sympathique, alors ! Je l’aurais consolé. L’amitié eût adouci nos souffrances.

Mais, dans la crainte d’une réponse affirmative, je me gardais bien de lui demander si sa maîtresse l’aimait.

— Qu’as-tu ? Es-tu triste ? questionna-t-il.

Ma tristesse, qui jusqu’à présent n’avait pas