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VEUVAGE BLANC

bavard, flemmard, vantard, hâbleur et avantageux.

« Ces jours-ci, toutefois, il nous est revenu de Laon qu’il joue beaucoup au cercle — la corruption des grands centres, comme dit notre curé — et cela sans doute la défrisera quelque peu. Dans l’intérêt même de notre sœur, je crois que nous devons nous en réjouir.

« Comme tu vois, nous avons quitté Reims. Louise est déjà installée à la Saulaie, pour tout l’été et le général vient du samedi au lundi. Les trains sont très pratiques. De temps à autre aussi elle va passer un jour ou deux auprès de lui, « pour s’assurer si ses chemises ont des boutons », dit-elle en riant. La vérité est que Louise lui est profondément dévouée et à juste raison, car il la comble d’attentions, de bontés toutes paternelles.

« Il tient, par exemple, à ce qu’elle gouverne souverainement la Saulaie. Elle s’en acquitte à ravir. Cela ne t’étonnera point, sachant combien elle est sérieuse, appliquée, intelligente. Papa cependant n’en revient pas de la voir s’assimiler si vite et si bien les choses rurales. Elle prétend que c’est sa vocation qui se révèle. Si tu es l’homme des bois elle est la femme des champs.

« Nous parlons bien souvent de toi. Elle s’intéresse beaucoup à tes affaires et je lui lis tes lettres, lesquelles cependant sont trop sobres de détails. Cela te semble tout simple et naturel d’être au Manitoba, espèce de Huron. Mais nous autres, apprendre un peu comment c’est fait et ce qui s’y passe, cela nous changerait agréablement du déjà tellement vu des bassins de l’Aisne et de la Marne. »

Sensible à ce reproche, Claude écrivit plus longuement. Faits avec cette simplicité que l’accent de vérité rend éloquents, ses récits, ses descriptions