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VEUVAGE BLANC

allaient de la maison Sigebert à la Saulaie, où, tout comme Louise, le général y prenait un intérêt sympathique.

— Nous en avons donc encore, disait-il, de ces Français aventureux et intrépides qui ainsi renouent la chaîne des traditions. Car ce n’est pas seulement au Canada que nos pionniers ont tiré les marrons du feu pour l’Angleterre. Dupleix aux Indes… et la Louisiane, et Maurice, cette autre Île-de-France… De tout cela nous n’avons rien su garder. Puis, à grande dépense de sang et d’argent, nous sommes allés conquérir l’Indo-Chine… au profit du Japon, qui ne tardera pas à nous en soulager. Nous sommes de bien braves gens, mais pourquoi tellement dénués de sens commun ?

Ludivine, de son côté, continuait à tenir son frère au courant de la chronique locale.


« Quand je te le disais, que le remarquable bourg qui nous vit naître est un nid à événements… Voici le dernier en date, et tout chaud. L’autre matin arrive à Bruyères un inspecteur des finances. Ce même soir, le plastronnant Costerousse montait en carriole pour se rendre à la gare. De mauvaises nouvelles de chez lui, disait-il. De fait, ceux qui l’ont aperçu constatèrent qu’il était décomposé. Et oncques ne le reverrons-nous. Ce fâcheux personnage avait barboté quinze mille francs dans sa caisse pour payer des dettes de jeu. Bien entendu, il se proposait de remettre l’argent quand aurait tourné la veine et sans doute ce n’était pas la première fois. Mais tant va la cruche à l’eau… Bref, le voici révoqué, comme de droit, sans cependant être poursuivi, sa famille ayant avisé l’administration qu’elle rembourserait. Il se parait de quelque fortune, et son père n’est qu’un modeste médecin de campagne. C’est la pauvre dot de sa sœur qui paiera les pots cassés !…