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VEUVAGE BLANC

pour l’existence. Sans doute y a-t-il loisir d’y penser. Mais le temps va vite et papa, homme sage, prévoit les choses de loin. Puis, chez lui, professionnel : après les successions, les contrats — toute la vie est là. On naît, on meurt ; ceux qui reste chaussent les souliers de ceux qui sont partis. Si c’était autrement le monde finirait.

« Sachant que je t’écris la triste nouvelle, Louise me charge de l’excuser pour ne t’en point faire part elle-même. Je suis certaine que tu seras personnellement affligé, car il t’aimait bien, le bon général, et dans ses derniers jours il a souvent parlé de toi. Il s’intéressait à ton expédition. Il exprimait l’espoir que tu reviendrais bientôt faire une visite à la vieille Europe. Puisse-t-il avoir dit vrai !… »

Il avait dit vrai. Peu après avoir été informé de cet événement, Claude écrivit que l’état de ses affaires lui permettait d’entrevoir la perspective d’un congé. Ce ne serait pas immédiat pourtant… il ne pouvait dire au juste… l’hiver suivant sans doute.

« Tous ici, répondit Ludivine, nous attendons impatiemment le retour de l’enfant prodigue. Mais que c’est donc loin encore !… Ne pourrais-tu le hâter un peu ? »

Il se hâta. Car quelques semaines plus tard éclatait le coup de foudre. Débarqué au Havre par le premier paquebot qu’il avait pu prendre, Claude rejoignit son régiment sans avoir embrassé les siens, prisonniers en territoire envahi. Ainsi leur furent à tous profondément douloureuses les quatre années tragiques. Par l’intermédiaire d’amis suisses, quelques brèves nouvelles furent échangées. Il sut simplement qu’on se portait bien, eux qu’il avait été blessé, mais ignorant son second séjour à l’hôpital où il pensa mou-