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VEUVAGE BLANC

rir. Ce n’est qu’à Metz, où il eut la joie d’entrer un des premiers, qu’il écrivit enfin, des volumes, et en reçut, particulièrement de Ludivine. Elle lui parlait copieusement de tout et de tous. Louise, on le pense bien, n’était pas oubliée.

« Tu sais le respect quasi superstitieux des Boches pour le galon. Le fait d’être veuve d’un général conférait à Louise un prestige et une sorte d’autorité morale dont elle a su user dans l’intérêt commun. Ces gens-là ne sont pas tous aussi mauvais les uns que les autres. Parmi ceux qui nous ont successivement piétinés — des Brandebourgeois, des Bavarois, des Hessois, des Mecklembourgeois, des Brunswickois, des Hanovriens, des Poméraniens, des Saxons… toute la lyre — il y en a eu avec qui on s’arrangeait tant bien que mal… plutôt mal que bien. Mais nous avons joui de quelques brutes à qui Louise a tenu tête avec une énergie qu’on n’aurait pas soupçonnée chez elle, si frêle, si douce.

En outre Louise sait l’allemand, ce qui a été très utile. Elle a souvent parlementé avec les envahisseurs et on finissait par s’adresser à elle plus souvent qu’au maire, lequel d’ailleurs a eu une excellente attitude. L’exemple de cette « faible femme », comme on dit, et je me demande pourquoi, l’avait électrisé. Si celui dont elle porte le nom a vu cela de là-haut, il a de quoi en être fier. Enfin je n’exagère pas en disant que, grâce à Louise, Bruyères n’a éprouvé que le minimum de souffrance — on en avait quand même sa claque — et, s’il y a une justice en ce monde, on devrait lui élever une statue, ou tout au moins un buste.

« Quand à ton petit bout de sœur, tu te rappelles comment la qualifiait notre excellent latiniste de juge de paix : « tempetuosa puella ». C’est te dire qu’en