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ministériel par tant de légèreté, Me  Sigebert fronça le sourcil.

— Il pensait apparemment faire mieux fructifier votre petite fortune en la mettant dans ses affaires. Les spéculateurs ignorent toute prévoyance…

Retenant sur ses lèvres les paroles de blâme qui allaient en sortir :

— Tout porte donc à croire, reprit-il, que cela a été englouti également. On parle d’un déficit de près de deux millions. Je vous demanderai une procuration et je verrai à débrouiller cela. Il me paraît sage, cependant, de nous attendre au pire.

— Je m’y attends, mon cousin.

Par ces paroles si simplement dites, la frêle et pâle figure se trouvait grandie de toute la hauteur de l’héroïsme. Sous son épaisse carapace, le notaire en fut tout remué.

— Pauvre chère enfant, murmura-t-il en lui pressant la main…

Après une pause :

— Tout ce qui est ici, reprit Louise avec effort… tout, n’est-ce pas, appartient aux créanciers ?

— La saisie est inévitable…

La vaillante petite âme se sentit défaillir. Toute raisonnable et sérieuse que fût cette jeune fille, la perte de sa fortune, cela ne lui représentait rien encore d’immédiat, de tangible. Mais la séparation brutale d’avec ces objets familiers faisant pour ainsi dire partie d’elle-même, portant l’empreinte toute chaude du cher mort de la veille… cela lui tordait le cœur.

— Je voudrais, dit-elle dans un souffle… Je voudrais m’en aller avant qu’on vienne.

— J’y ai déjà pensé, mon enfant. Vous avez le droit, cela s’entend, d’emporter tous vos effets personnels,