peine, laboureurs solides, avec des accès de flâne et de ribotte, de rudes gars parmi lesquels se recrutent des cuirassiers et des canonniers à cheval. De purs Gallo-Germains… Rome ici n’a pas laissé de traces. Mais je vous fatigue, ma petite Louise, avec mes discours.
— Au contraire, mon cousin : c’est très intéressant. Et les yeux de pervenche qui, au nom du mort évoqué s’étant voilés de larmes, fixaient sans regard le lointain vague, revinrent poliment au notaire.
— Il faut vous laisser distraire un peu, reprit-il. Cela n’empêche pas le chagrin, mais aide à le supporter. Et puisque vous voici revenue au terroir, vous devez être instruite de la chronique locale et familiale. Le pauvre cousin Amédée ne devait pas vous en parler beaucoup.
— Il était toujours tellement occupé…
— Puis dans ce grand chaos de Paris, on oublie, tout s’efface. Nous autres qui, de père en fils, demeurons acagnardés à notre petit coin de terre, nous avons du temps pour ruminer les traditions et les conserver. Savez-vous bien que, depuis l’année où Louis XIV est mort, s’il vous plaît, toujours, il y a eu un Sigebert notaire à Bruyères-sous-Laon ? C’est d’aujourd’hui, d’ailleurs, cette dispersion des familles. Il n’y a pas bien longtemps encore on demeurait enraciné au sol natal, ou du moins y venait-on finir ses jours. Votre aïeul, quand il a été retraité comme lieutenant-colonel d’artillerie, s’est fixé auprès de son vieux père, dans la maison où il était né et que votre père depuis a vendue.
Me Sigebert soupira en hochant la tête. La pensée lui était venue que cette maison avait fondu dans le creuset du jeu, et son respect pour l’immeuble s’en affligeait.
— C’était, reprit-il, quelques années avant la guerre. Le colonel reprit du service et s’est distingué à