Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
VEUVAGE BLANC

de son œil qui regarde en Picardie brûler la Champagne, selon la très exacte façon de dire de la région sise entre ces deux provinces. Le visage cependant, plat et ingrat, tout constellé de taches de son, s’éclairait d’un sourire si franc, si cordial, que la sympathie allait droit à elle. C’est ce qu’aussitôt ressentit Louise lorsque, demeurée seule de la famille, Ludivine lui dit d’un ton de gentille malice :

— Nous étions vraiment trop tout à l’heure. Mais si je vous ennuie aussi, ne vous gênez pas pour me mettre à la porte.

Et prévenant les paroles de protestation :

— Je ne le trouverais pas mauvais, allez. Dans votre grand chagrin, ce doit être tellement odieux d’avoir à faire la bouche en cœur.

— Je serais bien ingrate, au contraire, si je n’étais profondément touchée et reconnaissante de l’accueil que je trouve ici.

— Bien sûr, nous ne sommes pas méchants et on fait ce qu’on peut. Mais ce qu’on dit à ceux qui souffrent est tellement au-dessous de ce qu’ils ressentent qu’on doit leur paraître idiots.

Il était communicatif, ce sourire de la petite roussote. Et c’est de même que Louise lui répondit :

— Me pensez-vous assez déraisonnable pour prétendre que la terre cesse de tourner parce que je suis dans la peine ? Je me rends compte, au contraire de mon tort à vous apporter ma tristesse.

— C’est nous alors qui serions d’affreux égoïstes. Il me semble, à moi, que ceux qui ont du chagrin doivent pleurer quand ils en ont envie et que le mieux est de ne pas les tourmenter sous prétexte de les consoler ou de les distraire. Telle n’est donc pas mon intention, mais seulement de vous aider à défaire vos malles, si toutefois vous en avez besoin.

— Besoin, non. Mais cela me fera plaisir, ma cousine.