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VEUVAGE BLANC

Comme elle venait au devant d’eux, le domestique, au lieu d’obéir à son injonction, se dirigea vers la cuisine, estimant d’urgence plus immédiate l’avis d’avoir à forcer l’omelette. À peine Mme Sigebert avait-elle embrassé son fils qu’également elle y songea.

— Fédora !… Fédora !…

Mais une méprise du jardinier sollicitant son attention :

— Que faites-vous donc, Aristide ?… Je vous ai dit : à gauche les bégonias et les géraniums à droite, où il y a davantage de soleil.

Louise s’était esquivée, discrète, laissant la mère et le fils à leurs épanchements.

— Tu as déjà renoué connaissance, à ce que je vois, avec la petite cousine. Pauvre enfant ! comme c’est malheureux tout cela… Elle est si intéressant, si courageuse… Tiens ! qui donc vient là-bas ?

Par le passage qui, du côté du puits, met le jardin en communication avec la cour, Mme Sigebert avait aperçu un grand garçon blond, en knickerbockers et vareuse de cycliste, qui, maintenant sa machine, cherchait des yeux quelqu’un pour l’introduire. Vigoureusement Claude le héla.

— Maman, je vous présente Randolph Curtis, qui a fait tout le chemin du Canada à la ferme, dans le but de nous acheter des béliers… Célébrité mondiale, comme vous voyez, bien flatteuse pour les Champenois. Nous sommes devenus de grands amis, et j’ai pris la liberté de vous l’amener, d’autant que nous aurons à vous entretenir, vous et papa, d’une petite affaire.

— Soyez le bienvenu, monsieur. Mais mon enfant, Pourquoi ne m’avoir pas envoyé une dépêche ? J’aurais fait mettre un dindon en broche. Que c’est donc malheureux…

Avant que l’étranger eût pu placer une parole, elle s’élançait vers la cuisine tandis que, gravissant le