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VEUVAGE BLANC

dix-neuf strophes dans ce goût autant que de couplets à la complainte de Fualdès.

— Je vous trouve sévère, mon cousin. N’a-t-on pas le droit d’écrire des vers sans que ce soit du Lamartine ou du Victor Hugo ?

— Le besoin ne s’en impose pas.

— Ceux-là ne me semblent point si mal faits. Les rimes sont très riches.

— Oh ! si, elles le sont… Ne sommes-nous pas lauréate de l’Académie Sparnassienne, oui, madame ?… Et ce nom des indigènes d’Épernay les prédispose évidemment au goût de la poétique harmonieuse. Certes, elles sont millénaires, nos rimes : patrie et Neustrie, Chilpéric et Alaric… celui-ci substitué pour les besoins de la prosodie à Attila, lequel assiégea notre bonne ville de Laon quelque temps avant Blücher. Il n’y manque rien, sinon pourtant les haricots et les artichauts qui constituent notre plus pure gloire.

— Vous me faites rire, mais c’est à mon corps défendant. Je ne raille pas les choses dont je serais incapable.

— J’espère bien que vous l’êtes de taquiner la muse. Toutefois dois-je rendre à ma sœur cette justice qu’elle est calée en histoire. Ce n’est pas elle qui tomberait dans l’erreur de la femme du sous-préfet nouveau venu à Soissons. Au débotté, cette érudite dame s’est enquise d’un musée municipal où elle verrait le fameux vase…

— Vous brodez, mon cousin.

— Parole d’honneur. Et quand on lui a appris que, tel celui de M. Sully-Prudhomme, il est depuis longtemps brisé, elle est demeurée péniblement impressionnée d’une si coupable incurie.

Un joli rire argentin fusa des lèvres de Louise, révolte de la jeunesse contre la douleur. Mais le voile de crêpe un instant soulevé retomba sur son âme et Claude respecta la tristesse revenue dans un soupir.