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VEUVAGE BLANC

Très doux était l’accent, quoique, comme tout à l’heure, très ferme. Mais au fond, bien au fond, il y avait un émoi… oh ! tellement subtils et profonds sont ces mouvements de l’âme… Claude ne répondit pas. Sous la faible clarté bleue de la lune qui se levait, faiblement on distinguait son fin profil un peu pâle. Muet, il la regarda. Puis ses yeux ardents se baissèrent sur ces trois petits degrés, si faciles à gravir, qui le séparaient d’elle. Faciles ?… Non pas, car à leur pied l’honneur veillait en gardien sévère. Brusquement alors, presque fâché :

— Rentrez votre escalier, cousine.

À bout de bras il le lui tendit. Elle le reçut, le déposa dans la chambre, puis se penchant au dehors :

— Bonne nuit, Claude.

Il saisit la main que lui tendait la jeune fille, attira vers lui celle qu’on ne lui offrait point et sur l’une, puis sur l’autre, posa ses lèvres brûlantes. Le feu qui monta aux joues de Louise, l’ombre le lui dissimula. Prestement il enjamba la balustrade et dégringola par la même voie qu’il avait prise pour l’escalader. Un instant elle écouta ses pas qui s’éloignaient dans la nuit. Personne non plus n’entendit son soupir, et sans bruit, la fenêtre se ferma.


CHAPITRE X


Le général Thierry était absorbé, soucieux, en proie même à une visible agitation. Après avoir chevauché le matin — seul à présent, parti son jeune compagnon de promenade — l’après-midi on le voyait arpenter le bois et la plaine, mâchonnant le cigare que, distrait, il laissait s’éteindre. Il devenait nerveux et cela ne lui ressemblait guère. Lui, d’une si calme fermeté dans le commandement, il se surprenait à rudoyer son