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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/109

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tous les saints du Paradis. Aucun n’étoit assez complaisant pour vouloir la lui rendre : ils étoient sourds à ses prieres ; & la bonne femme perdoit son tems & ses présens. Son directeur la conseilla de faire une neuvaine sur le tombeau du pere défunt, qui avoit mérité par les persécutions qu’il avoit souffertes, d’être un bienheureux de la premiere classe. L’aveugle y consentit : elle eût fait des vœux à Mahomet, si elle eût cru pouvoir en être soulagée le neuvieme jour. Comme elle faisoit son oraison sur le tombeau du demi-saint [1], le soleil lui darda sur les yeux ses rayons, au travers d’une des vitres de l’église.

Comme elle appercevoit encore dans le grand jour un reste de clarté, sans distinguer aucun objet, ces rayons rendus plus vifs par le réfléchissement du verre, lui firent voir une espèce de lumière blanchâtre, qui la surprit. Elle s’écria qu’elle voyoit clair : & dans le premier moment de sa joye, faisant avec précipitation trois ou quatre pas sans être conduite, elle alla donner de la tête contre le pilier, & se fit une bosse au front, qui causa un grand échec à la réputation du nouveau saint, & obligea de différer l’expédition du brevet qu’on lui devoit

  1. Il est dans une chapelle auprès d’une fenêtre.