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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/131

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rend leur goût plus fin & plus assuré, que l’est celui des demi-savans. Depuis quinze à vingt ans, les génies supérieurs, qui vivoient pendant le regne de Louis XIV, n’ont point été remplacés. Il semble que la nature avoit pris le soin de former un nombre de grands hommes dans les sciences & dans les beaux arts, pour que tout répondît en même temps à la grandeur de ce monarque.

Il y a cependant encore des savans illustres, & qu’on ne peut, sans injustice, refuser de placer dans la premiere classe. Le plus ancien [1] est un excellent philosophe, bon poëte dans sa jeunesse, habile critique, & grand physicien dans un âge plus mur.

Croirois-tu que, doué de talens aussi rares, il a donné dans un travers étonnant, soit par vanité, soit par foiblesse ? Il abandonna ses confreres les savans, & se fit le chef des grimauds & des avortons du Parnasse. Il prostitua sa savante plume pour soutenir leurs rêveries : & le public vit avec étonnement un homme tel que lui défendre une aussi mauvaise cause. Il s’agissoit de prouver la supériorité des modernes sur les anciens. Quelque chimérique que fût cette entreprise, peut-être

  1. Fontenelle.