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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/148

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ironie, dont tous ceux qui se trouvoient présents avoient une parfaite connoissance.

Dès que je fus sorti de cette assemblée, je ne pus m’empêcher de témoigner ma surprise au marquis de Farfin. Si tous les gens, lui dis-je, avec lesquels vous vivez, ont autant de dissimulation, je vous plains ; & il vous est difficile d’ajouter foi aux discours que vous entendez. Qui peut vous assurer qu’on ne parle pas sur votre compte d’une façon aussi extraordinaire, que sur celui de cette comtesse ? Ces gens, dont le cœur est si faux, se disent de ses amis, comme ils protestent qu’ils sont des vôtres. « Je sçais, me répondit le marquis, à quoi m’en tenir. Je connois trop le monde, pour être la dupe de ces vaines protestations d’amitié, & de ses louanges prodiguées, sans choix & sans fondement. Je me conforme à l’usage & à la mode, je loue moi-même souvent ce que je trouve ridicule ; & je me réserve de pouvoir m’en réjouir lorsque l’occasion se présente. » Mais, lui demandai-je, à quoi sert ce déguisement ? Pourquoi trahir sans cesse les sentimens de votre cœur ? Votre bouche n’en est jamais l’interprête. La sincérité est une vertu qui vous est connue.

« Telle est, me dit-il, la façon de vivre dans ce pays. La dissimulation est