Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/149

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le nœud le plus étroit de la société. Comme on a vu qu’on ne pouvoit prendre assez sur soi, pour aimer véritablement bien des gens qu’on fréquentoit, on a employé la contrainte. L’artifice a pris la place de la vérité. la politesse tient lieu de la cordialité ; & la nécessité a rendu excusable ce déguisement. »

Voilà, mon cher Isaac, une des principales causes de cette politesse, si vantée parmi les François. Ils ne doivent cette qualité, dont ils se glorifient si hautement qu’au manque de candeur & de sincérité. Leurs complimens, leur accueil gracieux, leurs discours flatteurs sont des suites de leur dissimulation. Un philosophe doit regarder leurs louanges comme un poison renfermé dans une liqueur délicieuse au goût.

Un homme dans ce pays, n’est occupé que du soin de plaire superficiellement à tous les gens qu’il rencontre. Il salue l’un, il flatte l’autre. Il embrasse, avec des marques de tendresse, une personne qu’il connoît foiblement. On diroit que tous les François sont des Titus, & qu’ils comptent,les jours où ils n’ont pas rendu quelqu’un heureux, pour des jours perdus. Lorsqu’on approfondit leur caractère, on en découvre le faux. Il y a tel homme qui