Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/182

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Tout le reste du chapitre, dont je viens de te citer ce passage, fortifie mon sentiment : & Mallebranche a semblé reconnoître lui-même que cette opinion avoit été reçue, & même adoptée par Augustin.

Celle des idées innées si chere aux Cartésiens, se trouve encore dans ses ouvrages. Les métaphysiciens modernes y ont puisé tous les argumens dont ils se servent. Je pense donc, je suis, dit un des illustres sectateurs de Descartes [1].

Or nous ne pourrons avoir aucune certitude de cette proposition, si nous ne concevions distinctement ce que c’est qu’être, ce que c’est que penser… Si donc on ne peut nier que nous n’ayons en nous les idées de l’être & de la pensée, je demande par quel sens elles sont entrées ? Sont-elles lumineuses ou colorées, pour être entrées par la vue ? D’un son grave ou aigu pour être entrées par l’ouie ? D’une bonne ou mauvaise odeur, pour être entrées par l’odorat ? De bon ou de mauvais goût ? pour être entrées par le goût ? Froides ou chaudes, dures ou molles pour être entrées par l’attouchement ?… Que si l’on ne peut rien répondre à tout cela qui ne soit déraisonnable, il faut avouer que les idées de l’être & de la pensée ne tirent

  1. L’art de penser, 1, par. chap. 1. pag. 12.