Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/183

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en aucune sorte leur origine des sens. Voilà, mon cher Monceca, les plus fortes raisons qu’on allégue contre le systême qui fait venir toutes les idées de nos sens. Elles servent encore à prouver que nous avons de la divinité une notion innée que l’ame apporte avec elle. Car, dit le même auteur que je viens de citer, nous sommes portés naturellement à croire que nos jugemens sont faux, quand nous voyons clairement qu’ils sont contraires aux idées des choses. Ainsi, nous ne pourrions juger avec certitude que Dieu n’a point de parties, qu’il n’est point corporel, qu’il est par-tout, qu’il est indivisible, si l’on n’en avoit aucune idée, que par le moyen des sens.

Toutes ces objections sont prises presque mot à mot dans les écrits d’Augustin, qui prouve d’une maniere forte & persuasive qu’il faut chercher à connoître Dieu dans soi-même, & non pas dans les choses extérieures ; les sens ne pouvant donner aucune véritable idée de la divinité. J’ai long-tems erré comme une brebis égarée, dit ce docteur nazaréen, je te cherchois hors de moi, & tu étois dans moi. J’ai fait agir tous mes sens, mais ils n’ont rien pû m’apprendre & si tu ne m’eusses éclairé, mon Dieu, & appris que tu résidois dans mon esprit,