Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/207

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le pardon de leurs ennemis, sont deux points qui contiennent la morale la plus épurée. Mais ce qu’il y a de plus beau chez eux, c’est qu’ils ne se contentent pas de croire ces maximes, & qu’ils les pratiquent exactement. Tu sais jusques où va leur charité envers les pauvres : elle prévient une partie de leurs nécessités ; & va au devant de leurs besoins. Il est peu de Turcs qui ne donnent en leur vie des aumônes considérables qui sont appliquées au soulagement des malheureux. Les caravanserais, les puits, les fontaines, bâtis sur les chemins pour la commodité des pélerins & pauvres voyageurs, de quelque religion qu’ils soient, sont des monumens éternels de la piété des mahométans. Leur sensibilité pour les malheureux s’étend encore plus loin. Ils ont des hôpitaux pour les incurables, pour les estropiés, & pour les insensés. Ils conservent même pour ces derniers une espece de vénération, & les regardent comme des personnes à qui Dieu n’a ôté l’usage de la raison que pour leur donner le moyen de se garantir plus aisément du péché.

Si tu n’étois pas toi-même de Constantinople, tu aurois peine à croire qu’il y ait des Turcs qui laissent en mourant un legs pour servir à la nourriture commune des