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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/250

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petit-maître, quiconque a passé trente ans, est pour elle un objet de plaisanterie. La jeunesse a seule le droit de charmer. Comment peut-on aimer un vieillard ; quel goût trouve-t-on dans un amant sexagénaire ? Elle danse, elle chante, elle folâtre : on diroit que les ris & les jeux ont fixé leur séjour auprès d’elle.

Si elle tourne les yeux du côté d’un riche partisan, c’est encore un manége différent. Elle affecte de mépriser quiconque n’est pas riche. A quoi sert, dit-elle à un fermier-général dont elle tire des sommes, l’amitié des jeunes seigneurs ? A perdre une femme de réputation, & à la ruiner ; loin de pouvoir lui donner de quoi vivre. Une personne sensée peut-elle aimer un homme, parce qu’il voit le roi, qu’il est colonel, qu’il fait une révérence de bonne grace ? Je vous jure, ajoute-t-elle, qu’on est bien plus sensible aux bonnes manieres d’un homme qui sait donner à propos, & procurer une aisance nécessaire au bonheur de la vie.

Tu vois, mon cher Brito ; combien il est difficile d’éviter d’être trompé par ces dangereuses syrenes. Elles ont de plus grands avantages que celles de la fable qui ne séduisoient que par l’ouie.

Celles-ci charment par les oreilles [1] & par

  1. Le chant.