Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/251

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les yeux [1].

Lorsqu’un mortel a été assez malheureux pour tomber dans les piéges de ces enchanteresses, il est perdu & renfermé dans un labyrinthe dont il ne sort plus. L’adresse, la fourberie, les faux-sermens, le feinte, le désespoir simulé, la fausse assurance d’une tendresse éternelle, sont des détours dans lesquels il ne sauroit se retrouver.

Le talent de retenir un cœur dans ses chaînes, est réservé aux filles de l’opéra. Apperçoivent-elles que la jouissance & la tranquillité rendent leurs amans moins empressés, elles savent leur donner à propos de la jalousie ; mais la dose en est si bien composée, qu’elles ne craignent point que le dépit fasse ce que l’inconstance auroit pu faire. Croyent-elles que leurs amans soupçonnent leur fidélité ; aussi-tôt elles se noyent dans les larmes : les sermens les plus forts deviennent les garans de leur tendresse. Pour peu qu’elles voient que leurs pleurs ne font pas l’effet qu’elles en espéroient, elles se livrent au désespoir. On diroit que leurs jours ne sont pas assurés ; & qu’on doit se défier de la fureur qui les anime. Un amant ne peut résister aux marques d’une passion si violente. Il revient aisément,

  1. La danse.