Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/262

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« Si de la vertu & de la valeur nous passons au génie, à peine trouvera-t-on à la cour deux écrivains. Bussy, la Rochefoucault feront-ils un juste équilibre à Corneille, Boileau, Racine, la Fontaine Moliere, la Bruyere, Fontenelle, Renard, & tant d’autres enfin, dont les noms seuls formeroient un volume, en ne comprenant même que ceux qui ont écrit des matieres qui concernent uniquement les belles-lettres ?

« L’on ne sçauroit dire que ces auteurs aient formé leurs goûts à la cour. C’est à eux seuls, & à leurs talens, qu’ils en sont redevables. Lorsque Corneille fit le Cid, les Horaces, Cinna, Pompée, & tira le théâtre François du cahos où il étoit ; il consulta les Latins ; il étudia les esprits du siécle d’Auguste, & point du tout le génie des petits-maîtres. Racine prit dans Sophocle & dans Euripide l’idée de la plûpart de ses tragédies : & s’il sçut si bien émouvoir & toucher les cœurs, c’est à la nature, qu’il connut parfaitement, qu’il en est redevable. Moliere eut plus d’obligation à la cour : elle lui fournit nombre d’originaux ; mais il trouva à la ville le même avantage. Ses meilleures piéces sont des caracteres formés sur de simples