Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’augmenter par des lésines, ne cherche point à le dissiper par de vaines dépenses ; est-il au même risque qu’un seigneur à qui cent mille écus ne suffisent pas pour la moitié de l’année ? Il dépense cinquante mille écus de plus que son revenu ; & avec des biens immenses, il est plus pauvre que celui à qui mille écus suffisent pour son entretien. Une honnête médiocrité n’entraîne point après elle ni les bassesses de la misere, ni les dépenses folles de la richesse.

« Un homme qui sçait se contenter & se fixer, méprise le droit d’emprunter & de ne point payer par le privilége d’un grand nom ou d’un emploi qu’on respecte. Il n’est point à charge aux tailleurs, aux selliers, à trente domestiques qu’il nourrit du bien d’autrui, & auxquels il doit leurs gages. Il auroit honte de flatter un fermier-général, pour obtenir de cette sangsue du peuple quelques onces du sang dont il s’est engraissé.

« S’il est donc vrai que le grand seigneur, malgré sa noblesse, n’ait ni plus d’esprit ni plus de vertu que le bourgeois ; qu’il soit plus exposé que lui aux passions ; pourquoi sera-t-il plus difficile à connoître ? Est-ce à cause