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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/274

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ils sont pleins de hauteur & de confiance avec les gens qui leur sont inférieurs. Malgré leur fierté, ils s’accoutument à une vie qui se passe dans une antichambre ou dans une galerie. Il est vrai qu’ils rendent avec usure à ceux qui sont assez malheureux pour avoir besoin d’eux, la douleur qu’ils ont d’être obligés de ramper. Ils se récompensent à la ville par des airs hautains, ridicules & insupportables, des mortifications qu’ils essuyent à la Cour.

Quelque vanité qu’ait un grand, il se trouve petit à la cour. La majesté souveraine éclipse les autres grandeurs. Lorsqu’il prend à un particulier quelques mouvemens violens d’ambition, je lui conseille, pour se guérir de cette passion, d’aller au souper du roi. Il apperçoit dans un état si bas & si humilié, ces personnes dont il a envié les grades & les honneurs : il les considere dans une situation si différente de celle où il les voit ordinairement, que pour peu qu’il réfléchisse, il n’enviera pas le frêle bonheur de trancher du souverain pendant la moitié de la journée pour devenir esclave pendant l’autre.

La présence du prince, ou du premier ministre, change les traits & la physionomie de beaucoup de courtisans. On a peine à les reconnoître. Plus ils sont